mardi 1 novembre 2011

Le goût des cités impériales du Maroc

Le goût des cités impériales du Maroc
Fès, Marrakech, Meknès et Rabat
Textes choisis et présentés par
Souné Prolongeau-Wade
***
Quatrième de couverture
  « Peu de villes, mais chacune offrant une beauté surprenante : les Oudaïas à Rabat, les tombeaux saadiens à Marrakech, les ruines des palais impériaux à Meknès, les medersas à Fès. Une vie religieuse, pour nous pleine de mystère, une vie privée dont il est malaisé en quelques mots, de faire sentir le charme... Voilà ce qu'offre le Maroc et qui justifie la faveur dont le pays jouit auprès des amateurs de voyage. » Près d'un siècle après ces mots d'Henriette Célarié, l'engouement perdure. Fès la pieuse, Marrakech la rouge, Meknès la mélancolique, Rabat la blanche : arpenter ces quatre villes marocaines, c'est découvrir l'histoire d'une nation en construction.
  Balade en compagnie de Pierre Loti, Roland Dorgelès, Abdellatif Laâbi, Tahar ben Jelloun, Anaïs Nin, Henry de Montherlant, Colette, Eugène Delacroix, Edith Wharton et bien d'autres. Mercure de France

Suréda André (1872-1930), Hady Thami Glaoui, pacha de Marrakech
(C) Collection Centre Pompidou. Paris, musée national d'Art moderne
Extrait
Colette, Dans le Palais du Glaoui
  Feu des étoiles et des orangers. Palpitation des rossignols, battement des rayons de l'étoile. L'oranger écrase tout de son odeur. Le pamplemousse en fleur garde une douceur, une arrière-pensée qui manquent à l'oranger.
  Crépitements d'oiseaux avant l'aurore, tonnerre d'oiseaux. Ils s'apaisent un peu, le jour levé. une phrase de rossignol s'étale encore, comme un lambeau nocturne. Au premier rayon s'élance le cri acéré de l'hirondelle. Puis la gorgée liquide dont se gargarisent le loriot trivial, et le merle. Les derniers chants montent d'une grève mouillée dont chaque galet est une voix de passereau, et des baisers, des baisers, des baisers de mésanges coalisées...
  A midi tous se taisent, mais la colombe qu'on ne voit jamais exploite la chaleur sans se lasser, à demi-voix.
  La muraille nue, le jardin plat, le bas divan dur. Des surfaces qui laissent courir rouler le corps. Un pli irrite, une allée, qui monte, rebute. J'entends à côté, près de la vasque, sous un dais immobile de parfum d'oranger, sur la dalle chaude, un rire américain monstrueux et mal équarri qui hérisse la plume des merles. D'ailleurs la femme d'Amérique porte une robe faite avec un plan de Paris, imprimé sur mousseline de soie. Sans blague.
  Illusion d'être parvenue à un but, parce qu'on se repose au centre d'un jardin défendu de toutes parts, où l'humanité n'a pénétré qu'en manifestations muettes, en traces qui ne laissent aucun son dans l'air. Combien d'heures durerait cette illusion: « me voici arrivée au terme »? Le terme de quoi? De la vie? Du souhait? Du mouvement? De l'amour? Combien d'heures peut-on se nourrir de la contemplation d'un jardin prisonnier, et d'une arabesque de fer fin sur champ de feuillage? Combien de temps peut-on passer à attendre que le vent, en émouvant enfin un flambeau rigide, immense, de cyprès, qui semble soutenir un porche, nous fasse croire que c'est tout le palais qui chancelle?
Pour aujourd'hui et depuis deux jours, l'illusion persiste. C'est que le luxe trompe avec force sur le sens de la vie, et qu'ici comme ailleurs, le luxe c'est l'immobilité et le silence.
  Qui sait, avant d'entrer, que c'est un palais? C'est un mur comme tous les murs, couleur de crépuscule pâle, couleur de terre, couleur de ciel. Les hommes, assis sous les porches, sont pareils à tous les hommes d'ici, sous tous les porches marocains.
  Au bout du couloir non pavé, le petit cloître rectangulaire est si simple et si frais, et désert. Un chant de prières décèle une toute petite mosquée, que le pacha fit construire et réserver pour lui et ses amis du voisinage. Ni garde, ni serviteurs visibles, sauf une ombre d'homme qui rêvait contre une porte... Elle appuie un bras sur cette porte, qui s'ouvre. Un autre couloir étroit, où commence le revêtement de mosaïque. Au bout du couloir, un homme haut, tout blanc, El Hadj Thami Glaoui.
Colette, Notes marocaines, Prisons et Paradis

2 commentaires:

  1. Un billet qui m´a passionné Kenza.

    Je connais Ceuta, Tetuan, Tanger mais ce fut en 1971.

    Je rêve de visiter ces villes impériales, surtout Fès m´attire.

    Je note ces livres.

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  2. Les villes impériales, un superbe voyage que j'ai effectué il y a quelques années. J'en garde un très bon souvenir. Beaucoup d'émotions à Fès qui restera ma cité préférée, très animée, très authentique. Superbe! Depuis j'ai eu l'occasion de retourner à Casablanca et aussi d'aller boire un délicieux thé à la menthe sur le port de Tanger. Merveilleux Maroc, j'ai envie d'y retourner!

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«Trois opérations : Voir, opération de l’œil. Observer, opération de l’esprit. Contempler, opération de l’âme. Quiconque arrive à cette troisième opération entre dans le domaine de l’art.» Emile Bernard