mardi 23 septembre 2014

Automne...

John Singer Sargent (1856-1925), Autumn on the River
[...] Les feuilles dans le vent courent comme des folles ;
Elles voudraient aller où les oiseaux s'envolent,
Mais le vent les reprend et barre leur chemin
Elles iront mourir sur les étangs demain. [...]
L'automne, Anna de Noailles

Les tribulations du dernier Sijilmassi, Fouad Laroui

Albert Horel (1876-1964), Mosquée à Azemmour
Jeudi 16 octobre 2014
Félicitations à Fouad Laroui, lauréat du Prix Jean Giono 
pour son roman Les tribulations du dernier Sijilmassi
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Sélection pour le prix Goncourt 2014
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Quatrième de couverture
  « Adam réfléchissait. Et il n'arrivait pas à trouver de solution à cette énigme : pourquoi son corps se trouvait-il à une altitude de trente mille pieds, propulsé à une vitesse supersonique par des réacteurs conçus du côté de Seattle ou de Toulouse - très loin de son Azemmour natal, où les carrioles qui allaient au souk dépassaient rarement la célérité du mulet, où les voitures à bras n'excédaient pas l'allure du gueux se traînant de déboires en contretemps ? »

  Dans son style inimitable, Fouad Laroui nous entraîne à la suite de son héros - un ingénieur marocain décidé à rompre du jour au lendemain avec son mode de vie moderne et occidentalisé - dans une aventure échevelée et picaresque. Une tentative de retour aux sources semée d'embûches et à l'issue plus qu'incertaine, derrière laquelle se dessine une des grandes interrogations de notre temps : comment abattre les murs que l'ignorance et l'obscurantisme érigent entre les civilisations ?

  Fouad Laroui est l'auteur, notamment, d’Une année chez les Français (2010), La Vieille Dame du riad (2011) et L'Étrange Affaire du pantalon de Dassoukine (2012) qui a reçu le prix Goncourt de la nouvelle.


Extrait
  Marche ou crève. Nous autres, camarades, retiens ça, que ça nous plaise ou que ça ne nous plaise pas, faut qu’on y aille… Marche ou crève ! Ça résonne dans sa tête, ça l’empêche de penser, de sentir que ses pieds sont en sang…
  Après avoir marché toute la journée, il atteignit la grève / Des mers dans le pays qui fut depuis Assur. C’était Azemmour, sa ville natale, l’Azemorum des Romains.
  « Arrêtons-nous, dit-il, car cet asile est sûr. » Il marcha lentement sur le vieux pont, s’efforçant de ne pas regarder le fleuve qui coulait en contrebas, puis, longeant les remparts de la vieille forteresse, il se dirigea vers la rue du Mouflon.
  Des gens s’arrêtaient sur son passage pour le dévisager mais il ne les voyait pas. Guidé par son instinct, il tourna sur la gauche, en face de la grande porte du mellah, parcourut une centaine de mètres puis tourna de nouveau à gauche. Il entra dans la ruelle et alla frapper à la porte de l’antique maison. Le heurtoir résonna violemment dans le silence du soir.
  Rien depuis la rue ne laissait soupçonner l’habitation. Pas de fenêtres, un long mur gris, une porte – puis un vestibule étroit et, alors, c’est le débouché sur la vraie maison, la cour intérieure, la lumière, l’eau, la vie. La vie… Il était né et avait grandi dans cette maison, où ne résidait plus qu’une vielle tante infirme que tout le monde appelait Nanna.
  Une grande émotion s’empara de lui. Je suis revenu. Je rentre dans le boyau. La vraie vie est ici.
  Lorsque j’étais petit garçon, j’habitais une maison ancienne, et la légende racontait qu’un trésor y était enfoui.
  Il prit la maillet du heurtoir dans la paume de sa main, l’enserra un instant pour mieux sentir à quel point il était lisse, poli par les générations de Sijilmassi, et d’abord par son père et son grand-père, puis il assena de nouveau plusieurs coups sur la porte.
  Il y eut quelques instants de silence. Une petite fille entrebâilla la porte et la referma aussitôt après avoir regardé Adam d’un œil rond.
  Adam entendit la petite crier :
  – Nanna ! C’est le Diable !

Kahil El'Zabar, Ritual Trio

Kahil El'Zabar, Photo Arte Radio
Mon coup de cœur du moment!

samedi 13 septembre 2014

vendredi 12 septembre 2014

Dans le jardin de l'ogre, Leïla Slimani

Alfons Walde (1891-1958), Erotica
 Sélection pour le prix de Flore 2014
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Note de l'Éditeur
  Paris, Adèle et Richard semblent former un couple heureux. Elle est journaliste, il est médecin et ensemble, ils élèvent un petit garçon dans leur bel appartement parisien. Mais Adèle a un secret. Profitant de la liberté qu’elle a d’organiser son temps, elle multiplie les occasions de rencontrer des hommes. Livrée à ses obsessions, Adèle avance avec détermination dans une solitude livide, vers des situations d’extrême dépravation sexuelle, voire de grand danger. Cependant Richard va découvrir la vérité. Tout d’abord aveuglé par la colère et le chagrin, il surmonte l’envie de quitter Adèle et tente de la ramener à lui…
  Dans le jardin de l’ogre est le récit d’un vertige, l’histoire d’un corps en quête d’absolu. L’écriture précise et crue de Leïla Slimani ouvre sur des brèches poétiques d’autant plus émouvantes, traçant la silhouette pleine de mystère d’un personnage féminin à la fois intemporel et d’une grande modernité.

Quatrième de couverture
  «Une semaine qu'elle tient. Une semaine qu'elle n'a pas cédé. Adèle a été sage. En quatre jours, elle a couru trente-deux kilomètres. Elle est allée de Pigalle aux Champs-Élysées, du musée d'Orsay à Bercy. Elle a couru le matin sur les quais déserts. La nuit, sur le boulevard Rochechouart et la place de Clichy. Elle n'a pas bu d'alcool et elle s'est couchée tôt.
  Mais cette nuit, elle en a rêvé et n'a pas pu se rendormir. Un rêve moite, interminable, qui s'est introduit en elle comme un souffle d'air chaud. Adèle ne peut plus penser qu'à ça. Elle se lève, boit un café très fort dans la maison endormie. Debout dans la cuisine, elle se balance d'un pied sur l'autre. Elle fume une cigarette. Sous la douche, elle a envie de se griffer, de se déchirer le corps en deux. Elle cogne son front contre le mur. Elle veut qu'on la saisisse, qu'on lui brise le crâne contre la vitre. Dès qu'elle ferme les yeux, elle entend les bruits, les soupirs, les hurlements, les coups. Un homme nu qui halète, une femme qui jouit. Elle voudrait n'être qu'un objet au milieu d'une horde, être dévorée, sucée, avalée tout entière. Qu'on lui pince les seins, qu'on lui morde le ventre. Elle veut être une poupée dans le jardin de l'ogre.»
  Leïla Slimani est née en 1981 à Rabat (Maroc). Dans le jardin de l’ogre est son premier roman.

Extrait
  Aujourd'hui, elle pourrait sortir de scène. Se reposer. S’en remettre au destin et au choix de Richard. Elle aurait sans doute intérêt à s’arrêter maintenant, avant que tout s’écroule, avant de ne plus avoir  ni l’âge ni la force. Avant de devenir pitoyable, de perdre en magie et en dignité.
  C’est vrai que cette maison est belle.
  Surtout la petite terrasse, sur laquelle il faudrait planter un tilleul et installer un banc qu’on laisserait pourrir et se couvrir de mousse. Loin de Paris, dans la petite maison de province, elle renoncerait à ce qui selon elle la définit vraiment, à son être vrai. Celui-là même qui, parce qu’il est ignoré de tous, est son plus grand défi. En abandonnant cette part d’elle-même, elle ne sera plus que ce qu’ils voient. Une surface sans fond et sans revers. Un corps sans ombre. Elle ne pourra plus se dire : « Qu’ils pensent ce qu’ils veulent. De toute façon, ils ne savent pas. »
  Dans la jolie maison, à l’ombre du tilleul, elle ne pourra plus s’évader. Jour après jour, elle se cognera contre elle-même. En faisant le marché, la lessive, en aidant Lucien à faire ses devoirs, il faudra bien qu’elle trouve une raison de vivre. Un au-delà  au prosaïsme, qui déjà enfant l’étranglait et lui faisait dire que la vie de famille était une effroyable punition. Elle en aurait vomi de ces journées interminables, à être juste ensemble, à se nourrir les uns les autres, à se regarder dormir, à se disputer une baignoire, à chercher des occupations. Les hommes l’ont  tirée de l’enfance. Ils l’ont extirpée de cet âge boueux et elle a troqué la passivité enfantine contre la lascivité des geishas. Gallimard

Le Maroc médiéval. Un empire de l’Afrique à l’Espagne, Exposition au Musée du Louvre

Madrasa El Attarine, Fès, Maroc. © Laurent Schneiter
 Le Maroc médiéval. Un empire de l’Afrique à l’Espagne
du 17 octobre 2014 au 19 janvier 2015
Hall Napoléon 

  Réunissant près de 300 œuvres, cette importante exposition, organisée par le musée du Louvre et la Fondation nationale des musées du Maroc, présente les plus belles réalisations dans les domaines du décor architectural, du textile, de la céramique ou de la calligraphie et permet d’appréhender cette longue et riche histoire, clef de compréhension du Maroc contemporain et source de sa modernité.

  Le Maroc médiéval invite à un voyage dans l’espace marocain et andalou, suivant un fil chronologique, chacune des périodes historiques est ponctuée d’éclairages sur les lieux de pouvoir et capitales historiques, cités d’or et de lumière. De Fès à Séville en passant par Aghmat, Tinmal, Marrakech, Ceuta, Rabat ou Cordoue, le parcours retrace les chantiers architecturaux majeurs et les œuvres créées pour ces villes. Chefs-d’œuvre célèbres et spectaculaires (tel que le lustre cloche de la mosquée al-Qarawiyyin de Fès), récentes découvertes et objets méconnus, se croisent au sein de l’exposition. Eléments d’architecture (portes, chapiteaux), mobilier et objets servant au culte (minbars, bassins d’ablutions, manuscrits) ou témoignages de la vie quotidienne (céramiques, pièces de monnaie) conservés dans les musées, mosquées et trésors d’église : tous apportent un nouvel éclairage de cette aire du monde islamique jusqu’à présent essentiellement lue depuis la rive andalouse.

  Les conquêtes de ces grandes dynasties les ont menées du sud du désert du Sahara au nord de l’Algérie, de la Tunisie et de la Libye actuelles. L’exposition replace cette puissante entité au centre des réseaux diplomatiques et commerciaux qui furent les siens, des confins subsahariens jusqu’aux cités commerçantes de l’Italie médiévale, des royaumes chrétiens du nord de l’Espagne jusqu’au sultanat mamelouk d’Egypte. Elle permet aussi de rappeler qu’historiquement le Maroc fût un créateur d’empires.

Astrolabe planisphérique. Musée du Batha, inv. 764. (1362-1363). Fès, musée Dar Batha.
 © La Fondation nationale des musées du Maroc

Dinar, Almohades. Or moulé et frappé ; Rabat, Musée numismatique de la Bank al-Maghrib. 
Musée numismatique de la Bank al-Maghrib

La mosquée al-Qarawiyin de Fès, Maroc. © La Fondation nationale des musées du Maroc
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«Trois opérations : Voir, opération de l’œil. Observer, opération de l’esprit. Contempler, opération de l’âme. Quiconque arrive à cette troisième opération entre dans le domaine de l’art.» Emile Bernard